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24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 14:13

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Le 5 juin 1979, Charles Bukowski écrit : "J'étais jeune, affamé, ivrogne, essayant d'être un écrivain. J'ai passé le plus clair de mon temps à lire Downtown à la Bibliothèque municipale de Los Angeles et rien de ce que je lisais n'avait de rapport avec moi ou avec les rues ou les gens autour de moi. [...] J'ai continué de marcher autour de la grande salle, tirant les livres des étagères, lisant quelques lignes, quelques pages et les reposant. Un jour j'ai sorti un livre , je l'ai ouvert et c'était ça. [...] Je sortis le livre et l'emportai dans ma chambre. Je me couchai sur mon lit  et le lus. Et je compris bien avant de le terminer qu'il y avait là un homme qui avait changé l'écriture." (extrait de la préface à Demande à la Poussière, éditions 10/18)

 

"essayant d'être écrivain... rien n'avait de rapport avec moi..." Et en effet, la situation de Bukowski, à l'aube de sa carrière littéraire, a tout à voir avec celle d'Arturo Bandino, fils d'immigrés italiens, héros de ce livre de Fante et alter ego de l'écrivain. Arturo, tout jeune homme fraîchement débarqué à Los Angeles pour y essayer d'être écrivain, est soumis aux affres de la condition du métier : insuccès, angoisse de la page blanche, manque d'inspiration... Sa seule réussite, approuvée jusque là par le mystérieux J.C. Hackmuth, mentor aux apparences divines, est une petite nouvelle "Le petit chien qui riait" au titre aussi improbable qu'une postérité possible.

 

Alors le jeune homme vit sur ses économies, doute du bon sens de sa volonté (surtout vis-à-vis de sa famille et de Dieu ; son "caractère" italien) et se fait tirer quelques cents par Hellfrick, son voisin alcoolique...Au fil de ses déambulations nocturnes, il  finira par croiser Camilla Lopez, jeune femme mexicaine, ni belle ni laide, chaussée d'huaraches... Y aura-t-il une histoire d'amour entre eux ? Vous ne le saurez qu'en lisant le livre, car l'amour, à l'âge d'Arturo, est quelque chose de difficile voire d'incompréhensible. Entre les corps qu'on désire et la complexité du sentiment lui-même, il est des écarts immenses qu'on n'est incapable de combler quand on n'a pas encore découvert le ressort.

 

L'histoire d'Arturo est liée à cela : à la difficulté de croire en soi quand on est jeune et qu'on possède encore des idéaux qu'on peut croire farfelus. L'écriture, la réussite, l'amour, une espèce de conquête sombre et accrochée balayée par le sable des déserts vosins qui, même si on ne les sent pas toujours dans le livre, ont un rôle bien plus important qu'on ne le pense, symbole qu'ils sont de la sécheresse, de la solitude, de la difficulté à trouver une réponse dans les décors qui constituent notre vie et auxquels nous nous référons.

 

Maladresse, auto-dérision (car Arturo, si pataud, possède tout de même une capacité à prendre du recul sur lui-même) et tendresse, trois mots que je n'avais pas encore utilisés et qui caractèrisent également ce roman de Fante. Tout comme d'autres mots auraient pu le faire, car ces lignes, dans leur simplicité, couvrent tout un monde que nous connaissons, que nous avons eu l'occasion de sentir à l'âge d'Arturo et Dieu sait si ce moment de la vie est propice à la découverte d'une foule de sentiments... En lisant ce livre, on pense également à L'attrape-coeurs de J.D. Salinger, dans son traitement de l'adolescence et de l'inconnu qui devance cette étape. Mais Fante m'apparaît plus fort, plus sensible, plus attaché aux riens, ces petits riens qui peuvent être tout, comme une paire de huaraches ou quelques cents prêtés au vosin ivrogne.

 

Un indispensable de la littérature américaine dans cette incroyable capacité qu'elle a à soulever les chose sans même en avoir l'air.

 

Difficulté de lecture : 4/10

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