Françoise Sagan a 18 ans en 1954, année lors de laquelle sort ce roman. Bonjour tristesse, s'il n'est peut-être plus beaucoup lu à notre époque, reste malgré tout un titre évocateur, un son qui ne laisse pas indifférent et qu'on associe volontiers à cette femme aux cheveux blonds et à l'allure directe.
S'il faut commencer par quelque chose, il faut commencer par cet âge, justement... 18ans et que faisions-nous à 18 ans, si ce n'est bafouiller nos amours confus sur le banc d'un lycée que nous allions peut-être bientôt quitter ? Il y a chez la jeune fille qui écrit une référence à ce moment de la vie, aux leçons qu'il faut apprendre et aux remises à niveau qu'il faut parfois préparer pendant les vacances. Cécile, l'héroïne du roman, est pile poil dans le créneau : 17ans et des vacances en bord de mer où elle pourrait réviser.
Mais la réalité est toute ailleurs. Certes le monde scolaire est évoqué mais lors de vacances, n'est-il pas coutume de passer outre ? Alors le romanesque viendra se fixer ailleurs et en particulier sur les sentiments. A 17 ans, en vacances, n'est-il pas légitime de vouloir connaître ce qui fait le second attrait du lycée : l'amour ? D'autant plus que Cécile vit seule avec son père et que celui-ci, s'il est vieillisant, reste tout de même ce genre d'homme qui passe de femme en femme, d'aventures prolongées en nuits uniques, grand enfant qui ne cherche pas forcément à s'établir, et si bien avec sa fille.
Ajoutons ici que l'atmosphère du récit ainsi que la formation précoce de Sagan pour l'écriture viennent certainement du point suivant : le cadre est très bourgeois, et s'il est coutume, dans ce milieu, de maîtriser ses classiques à 17 ans, il est aussi normal de suivre son père dans les mondanités. Ne généralisons pas bien sûr, ceci n'est que le cas de Cécile alors nous voici donc en présence d'une jeune fille, et ce récit est hautement autobiographique, qui outre le fait qu'elle sorte est qu'elle soit habituée aux rituels sentimentaux des adultes, sait également lire et puis écrire. Cécile, le reflet de Sagan.
Bref! revenons à nos 18 ans et à ce vécu qui vient d'être expliqué. Il semblerait que cela donne peut-être pas un génie mais au moins un esprit extrêmement sensible capable de savoir comment exprimer les sentiments, chose rare à cet âge. Et justement, c'est tout ce qui fait l'attrait de Bonjour trsitesse. Est-il possible aujourd'hui de trouver ce genre de spécimen ? Je n'ai jamais lu Lolita Pille mais je suis prêt à parier que son écriture est loin d'avoir la finesse de celle de Sagan, ni même le raffinement qui entoure la jeunesse de Cécile. Je ne cherche pas à critiquer, je continue de présenter l'exception Sagan.
A 18 ans donc, fine écrivaine et aguerrie du sentiment au point d'avoir une idée sur la façon de le conter...
Au sujet du premier point, lisez donc cette première phrase et savourez : « Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse ». Le reste est du même acabit même si le coup d'éclat de l'incipit tend parfois à pâlir lors de certains passagesbeaucoup moins maîtrisés mais qu'importe si la globalité est plutôt excellente...
Pour le second point, il me faudrait vous en raconter l'histoire mais bien sûr, ce serait stupide. Disons juste que Cécile au bord de la mer découvre l'amour, et ce dans toutes ses acceptions. Ensuite et parallèlement à cette initiation viennent s'entrecroiser les amours de son père et les intrigues qui en découlent. D'une belle-mère plus vieille qu'elle de 10 ans et ingénue et une autre qui peut bien faire l'affaire, et en plus si raffinée, va se tramer une intrigue qui se terminera comme elle le doit. Cécile découvre donc, et physiquement, le soleil vient tanner les peaux. D'un point de vue moral ou plutôt émotionnel, il ne lui reste qu'à faire de même : découvrir. Jusqu'où l'âme est-elle capable d'aimer ? Jusqu'à quelle manigance, où s'arrête l'innocence ? Les vérités ne sont que celles d'une jeune fille élevée comme on l'a dit. Mais le fond c'est l'amour et l'amour est universel. Alors au final, qu'en penserez-vous ?
Un livre fulgurant de précocité même si parfois précocité peut rimer avec manque de maîtrise. L'intrigue est rondement menée et plaira largement aux filles, peut-être un peu moins aux garçons. Un très beau livre en tout cas qui a au moins le mérite d'être sincère, franc.
Difficulté de lecture : 5,5/10